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vendredi 10 mars 2017

Dubus, ou l'histoire d'une gagnante et d'un poète morphinomane

 La série des articles sur les noms de familles des personnalités politiques et loin d'être fini, je vous propose donc de faire une petite pause avec un autre type d'article, celui qui est plus proche de vous, oui vous qui me lisez.
 Il y a maintenant plusieurs mois, j'ai lancé un petit jeu sur ma page Facebook Un nom, des Histoires (pour ceux qui ne l'on pas encore fait, n'hésitez pas à vous abonner pour recevoir les notifications de nouveaux articles). Le but du jeu est simple, je donne des indices sur le thème du prochain article et vous devez deviner quelle est le nom de famille de la personne qui en sera l'objet. J'essayerais de faire ce jeu plus souvent à l'avenir afin de mixer un peu plus les articles sur les personnes connues et les "anonymes".

 En effet, par delà l'actualité et les noms de famille, je souhaite montrer que toute histoires de vie mérite d'être évoquée car chaque vie sur terre a son importance, a son histoire, a son impact sur la planète. Il faut imaginer la chaîne des êtres humains dans le sens de la métaphore de "l'effet papillon" qui nous dit qu'un battement d'ailes de papillon au Brésil pourrait provoquer une tornade au Texas. Toutes nos actions ont des conséquences, bonnes ou mauvaises, qui servent d'exemples et se répercutent dans notre famille, puis à nos amis, puis aux amis de notre entourage, et ainsi de suite, mais aussi dans l'avenir avec ce qu'on laisse aux générations futures, à nos enfants. Plus concrètement, l'article que  j'ai partagé sur Facebook concernant les noms de famille et les vies des révolutionnaires anonymes montre bien l'importance que peuvent avoir chaque homme et chaque femme dans ce monde. Ont-ils plus ou moins d'importance que Robespierre ? Qu'Olympe de Gouge ? Bien sur, l'impact, l'héritage des plus puissants et des leaders sont plus importants que ceux de la foule des anonymes, mais sans ces derniers, sans le peuple (qui n'est pas une masse mais une somme d'individus) qui les suivent et les soutiennent, ces influents ne le seraient  pas.
es.slideshare.net
 Par ailleurs, aujourd'hui, dans ce monde où l'ère de la communication semble être à son apogée avec l'émergence des moyens modernes de communication et donc de transmission d'information, via notamment les réseaux sociaux, il devient fréquent qu'une personne "lambda", vous, moi, notre voisin, contribue à changer le monde grâce aux partages d'idées neuves, positives ou qui nous pousse à réfléchir sur le monde qui nous entour (exemples : après le suicide de leur fille, des parents décident de publier des extraits de son journal intime pour sensibiliser contre le harcèlement à l'école ; le buzz crée par Stéphane Solomon suite à son article dans lequel il demande au professeure de son fils d'être puni à sa place puisqu'il est responsable de son éducation). De ce fait, notre sphère d'influence est décuplée. Profitons-en, il serait sage de suivre le conseil du Matmah Ghandi : soit le changement que tu veux voir dans le monde !

 Sur ces longues mais belles paroles, je vous présente donc la première gagnante de ce jeu : Claire Dubus. Je te dis donc bravo pour avoir été la première à donner la bonne réponse, et voici l'article bien mérité sur ton nom de famille.

Histoire d'un nom : Dubus.

 En ancien français, le mot Bu ou Bus désigne le tronc du corps. En ce sens, on reconnait l'origine étymologique que l'on a encore dans le mot Buste. Le mot Bus a d'ailleurs gardé ce sens car il est toujours utilisé en héraldique pour désigner un buste sur un blason. De là à dire que c'est cette version qui donne son origine à ce patronyme, j'en doute. Il serait dans ce cas un surnom, hors l'objectif d'un surnom et de marquer un élément original, marquant d'une personne, et comme il semblerait que nous ayons tous un buste, là ça ne marche pas. Non pour ce nom de famille, il faut plutôt chercher son origine du coté de l’Artois, car il s'agit en fait d'une ancienne forme artésienne (patois du Nord de la France) du patronyme Dubois, que l'on peut trouver aussi sous la forme Dubusse, voire Dubuc. Il existe par ailleurs 3 communes dans les Hauts-de-France du nom de Bus (deux dans la Somme et une dans le Pas-de-Calais). Ainsi, les Dubus peuvent avoir, comme les Dubois, acquis leurs noms de famille d'un ancêtre vivant près d'un bois, dans le Nord de la France vers le 12 ou 13ème siècle. 

 Il y aurait actuellement plus de 7 500 personnes qui porteraient ce nom de famille dans le monde, plus de 5 000 en France, dont plus de 1 000 rien que dans le département du Nord. Le second pays qui en compte le plus est assez surprenant puisqu'il s'agit de la Turquie avec près de 1 000 personnes, et vient seulement ensuite la Belgique avec 300 personnes. 

Histoire d'un Dubus : Claire.

 Claire est née le 29 septembre 1983 (c'est une très bonne année !), et comme son nom l'indique, dans le Nord, au Pas-de-Calais. Son parcours de vie l'amène ensuite en Picardie où elle a mené des études de philosophie.

Se qu'elle aime : la littérature, le cinéma, la musique, la danse (l'art en général).
Ses valeurs : la famille, le partage, l’honnêteté et la justice.
Se qu'elle réfute : le matérialisme.
Sa fierté : être maman.
Son projet rêvé : écrire un livre.
Le souvenir qu'elle souhaite laisser au autres : un sourire, avoir contribué au bien-être de son entourage.

Son message pour vous : Ecoutez toujours votre cœur plutôt que votre tête car la vie est courte, c'est pourquoi il faut profiter au maximum de chaque instant. Pour vivre en paix avec soi-même, il est donc préférable de toujours être honnête, sincère envers soi et avec les autres, car même si cela nous retombe dessus et que l'on nous déçoit, au moins l'on peut toujours se regarder en face.

Un Dubus dans l'histoire : Edouard, l'écrivain morphinomane

 Parmi les nombreux Dubus que j'aurais pu évoquer (Henry-Barthélémy, le peintre du 19ème siècle ; André, l'écrivain américain du 20ème siècle ; Eugène George, mort pour la France en 1916 à Douaumont ; etc.), mon choix se porte finalement sur Edouard, l'écrivain morphinomane (oui, je préfère quand c'est sale !).
 Edouard Dubus est né en 1864 à Beauvais dans l'Oise (en ex-Picardie), et mort le 20 juin 1895 dans des circonstances... pour le moins, disgracieuses. En effet, il a été retrouvé gisant sur les toilettes publiques de la place Maubert à Paris. Le récit de la mort d'Edouard Dubus est détaillé par un de ses contemporains et ami en 1905, Laurent Tailhade :
« Le 20 juin 1895, vers 4h de l’après-midi, fut trouvé aux latrines de la place Maubert le cadavre, gisant, d’un inconnu. Mort foudroyante ou syncope ? Les garçons de police, mandés pour le constat, fouillèrent tout d’abord avec minutie chaque vêtement de l’étranger ; ensuite de quoi, prenant garde qu’il respirait encore ; le firent conduire d’urgence à la Pitié. Une seringue de Pravaz, recueillie dans sa poche, ainsi que deux fioles contenant quelques gouttes d’une liqueur amère, donnaient la plus grande vraisemblance à l’hypothèse d’un suicide manqué.
 Admis à l’hôpital sans que rien ne dévoilât son identité, l’agonisant de la place Maubert, expirait deux jours après. Il ne s’était point éveillé de la torpeur comateuse ; il n’avait pu fournir, avant l’heure suprême, aucun indice propre à désigner les siens. Dans l’amphithéâtre, la table de dissection attendait sa dépouille, parmi cette foule anonyme de cadavres qui, chaque jour, paient à la Science future une rançon de "chair à faire pauvreté’’.
  Ce mystérieux personnage dont les jours s’achevaient d’une manière à la fois si triviale et si pathétique, n’était-ce point un confrère, un artiste faisant gloire de s’adonner à l’opium, au hachisch, à la cocaïne, sans préjudice de l’alcool et autres vulgaires excitants ?
  Et puis, un ami vient l’apercevoir; là c’est la compréhension, la vision d’une chute poussée à son terme, du mouvement immobile :
 Couché sur le marbre hideux, il eut vite fait de reconnaître son collaborateur au Mercure, son ancien ami, le poète Edouard Dubus, mort en la trente-deuxième année de son âge, emporté par la tuberculose, qu’aggravait sinistrement cette bizarre hygiène de poisons.» 
Extrait de La belle époque de l'opium,
 par Arnould de Liedekerke. 

 Ainsi mourut-il à l'age de 31 ans. De ce fait, le temps ne lui a pas permis de nous laisser de nombreux écrits. Il n'a légué pour sa postérité que deux ouvrages, le premier est une brochure co-écrite avec Georges Darrien en 1890 et qui s'intitule Les vrais sous-offs, la seconde est un recueil de vers en 1892 : Quand les violons sont partis. Il fait parti de la classe des "Poètes maudits" comme le dit l'expression populaire, celle de la trempe des Baudelaire, Henry Michaux ou Edgar Allan Poe de l'autre coté de l'atlantique. En effet, ses poèmes sont emprunt de douce mélancolie, d'amour et de désespoir, l'attente de l'être fantasmé mais qui ne viendra jamais. Pour illustrer cette idée, voici un de ces poèmes, intitulé A l'abris des rideaux couleur de paradis.

A l'abri des rideaux couleur de paradis,
Un vague demi-jour sommeille dans la chambre ;
Est-ce en rêve les mots frivoles que tu dis?...
Je m'oublie aux senteurs de tes fins cheveux d'ambre.

Un vague demi-jour de sommeille dans la chambre,
La pendule a perdu son rythme avertisseur ;
Je m'oublie aux senteurs de tes fins cheveux d'ambre,
Ton âme dans tes yeux sourit avec douceur.

La pendule a perdu son rythme avertisseur,
Le grand lit dans l'alcôve est nimbé de mystère ;
Ton âme dans tes yeux sourit avec douceur,
Lèvres, fleur de pêcher folâtre, il faut vous taire.

Le grand lit dans l'alcôve est nimbé de mystère,
Le tapis de Turquie éteint le bruit des pas ;
Lèvres, fleur de pêcher folâtre, il faut vous taire
Dans l'abandon des longs baisers qu'on n'entends pas.

Le tapis de Turquie éteint le bruit des pas,
L'air est tout languissant d'un parfum de paresse ;
Dans l'abandon des longs baisers qu'on n'entends pas,
Veux-tu qu'un petit coin du ciel nous apparaisse ?

L'air est tout languissant d'un parfum de paresse ,
Conseilleur de jolis projets un peu hardis...
Veux-tu qu'un petit coin du ciel nous apparaisse,
A l'abri des rideaux couleur de paradis.
 Et oui, on a tous dans le cœur une petite fille oubliée, une jupe plissée queue de cheval à la sort.... Hum, bref, pardon pour cette interruption momentanée de mon cerveau. En dehors de son activité d'écrivain, il fut également un journaliste. Il a écrit notamment pour le journal Le cri du peuple, un quotidien crée par Jules Vallès et Pierre Denis en 1871.
 Interdit un cour instant par le Général Vinoy, le journal reprend sa publication quelques jours plus tard et continuera d'exister jusqu'à la semaine sanglante (fin mai 1871). Ce sera le journal le plus lu sous la commune de Paris. C'est dans une seconde version du journal, celle qui revoit le jour en 1883 qu'il écrivit.
 Dans le même temps, il a aussi écrit pour le journal Gil Blas et Le Gaulois, un quotidien conservateur a destination de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie. Mais son implications la plus importante ce trouve dans les revues Symbolistes, dont il est l'un des représentants les plus importants.

 Le Symbolisme est un mouvement littéraire qui est naît dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle et se termine à la première moitié du siècle suivant. On considère généralement Baudelaire comme étant le précurseur de se mouvement. Mais c'est en 1886 qu'un poète, Jean Moréas, va énoncer dans un manifeste les principes du symbolisme. Les symbolistes tel Edouard Dubus, ont une conception spirituelle du monde et veulent trouver des nouveaux moyens d'expressions pour dépasser la représentation Réaliste qu'ils jugent simpliste. La première revue symboliste pour laquelle il contribue est Le scapin en 1886, mais la plus importante est Mercure de France en 1890, où il figure parmi les fondateurs du journal, avec entre autre Jules Renard et Alfred Valette, qui en sera le directeur.

 Edouard Dubus était un homme féru d'art et de poésie, mais aussi intéressé et intrigué par l'occultisme et le mysticisme. Il est souvent décrit comme un enfant, assez facilement manipulable. Laurent Tailhade, toujours lui, le décrit d'ailleurs ainsi :

"Avec son visage lunaire de Pierrot tuberculeux, sa bouche au rire enfantin, avec ses yeux gris de myope dont le regard ne peut embrasser le contour des choses, Dubus fut, malgré son esprit si fin, l'homme du monde le mieux organisé pour donner dans tous les panneaux tendus à sa crédulité. Ce fut un disciple, se conformant avec docilité aux Idoles du Maître, à qui le premier venu montrait la lune dans un sac et faisait prendre, non pour des lanternes, mais pour de reluisants soleils les plus abjectes vessies.
Boulangisme, occultisme, symbolisme, perversité, Dubus adopta sans fatigue les calembredaines à la mode chez ses contemporains. De notre temps, il eût été malthusien ou sillonniste, peut-être l'un et l'autre, car le besoin "d'imiter pour être original" lui conférait un éclectisme singulier."

 D'ailleurs, c'est même son coté manipulable qui est selon Adolphe Retté, un de ses plus proches amis, la cause de la mort d'Edouard Dubus. En effet, il accuse Stanislas de Guaita d'être responsable de sa dépense aux drogues, et principalement à la morphine :

Quand il entreprenait des imaginatifs de caractère faible, le docteur E... ne tardait pas à les mettre en rapport avec son émule en maléfices, Stanislas de Guaita. Il manoeuvra de la sorte pour égarer le poète Edouard Dubus. Celui-ci était un véritable enfant, spirituel au possible, fort instruit, bon, serviable, doué d'un gracieux talent. Mais il ne possédait nulle volonté. Aimé de tout le monde, dans tous les mondes, y compris le demi, il ne savait pas résister aux impulsions de sa nature ardente. Malgré un grand fond de mélancolie – ce spleen rongeur dont toute notre génération a souffert – il prétendait ne concevoir l'existence que comme une farce infiniment drolatique. Aussi, lorsqu'une sottise lui paraissait amusante à commettre, il n'y allait pas - il y courait. Avec cela, très curieux d'occultisme et très porté, sous un scepticisme de surface, à s'engager dans les halliers du surnaturel, pourvu qu'il y trouvât quelques églantines à cueillir.

Et vous, quelle est votre histoire ?


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